Blog Maçonnique agnostique et adogmatique. Son rite moderne est un rite basé sur la quête de la Raison, de l’Homme maillon de la chaîne sociétale… "Agis de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin jamais simplement comme un moyen." Emmanuel Kant
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samedi 25 juin 2022
Vu de Russie : Le tabou des soldats russes morts en Ukraine | FRANCE 24 24 juin 2022
lundi 20 juin 2022
Asie centrale : à la croisée des mondes - Le Dessous des cartes | ARTE 18 juin 2022
mercredi 15 juin 2022
Comment la clim a changé la face du monde | Le Monde 2 août 2018
COMMENT LE NÉOLIBÉRALISME A FAIT NAÎTRE LE POPULISME | Le Média 26 mars 2021
lundi 13 juin 2022
∆∆∆ ∆∆∆ ∆∆∆ Eva Illouz : « Le renouvellement de la social-démocratie passe par la critique du capitalisme » | Le Monde 02 avril 2019
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>>> Des usines à Manchester, vers 1870. |
L’abandon de la critique du capitalisme s’est produit au moment même où celui-ci s’insinuait dans tous les interstices de la société et en déchirait peu à peu le tissu.
La critique était d’autant plus difficile que la nature même de la domination capitaliste était devenue plus floue. Cette domination ne se résumait plus à une brutale extraction de valeur effectuée dans les mines de charbon et dans les hauts-fourneaux (bien qu’il reste aujourd’hui, à l’évidence, de nombreuses formes d’exploitation brutales). Devenu une machine extrêmement sophistiquée, le capitalisme exploitait les aspirations des travailleurs par le biais de la consommation et d’un nouvel idéal du « moi » qui s’épanouirait dans le travail, devenu vocation et partie centrale de l’identité des individus.
Les marchés de masse avaient créé de larges arènes sociales inclusives, rendant la vieille rhétorique de lutte des classes obsolète : de plus en plus de groupes sociaux consommaient de plus en plus de biens et parfois les mêmes, dans les mêmes supermarchés. Dans ce cadre consumériste, les classes populaires pouvaient espérer une mobilité sociale, pour elles-mêmes et leurs enfants. Pour un temps, et un temps seulement, démocratisation et expansion économique semblaient aller de pair.
Une autre raison explique pourquoi la domination capitaliste devenait floue : tout au long du XXe siècle, la culture (publicité, musique, cinéma, télévision, édition, art, presse…) est devenue un lieu privilégié de production de valeur économique, créant de nouveaux emplois et contribuant à la propagation et la naturalisation des modes de vie consuméristes. Or ces mêmes médias ont été l’arène par excellence de nouvelles politiques de la représentation.
Effacement des classes populaires
L’égalité, telle que la gauche américaine, par exemple, l’a conçue, devenait affaire de discours et de récits, véhiculés par des médias promus espaces de transformation sociale, diffusant, dans les films et les séries télévisées, des messages multiculturalistes et féministes, ainsi que des contenus en faveur de la cause homosexuelle. Ces médias omettaient de représenter la vie des classes populaires, symboliquement effacées par la prévalence des visions du monde des classes moyennes et moyennes supérieures. Femmes ou minorités obtenaient une représentation culturelle beaucoup plus significative que ce que beaucoup d’Américains appellent de façon péjorative les red necks.
>>> Un essai contre une gauche américaine complaisante et fermée
« Tandis que le capitalisme érodait lentement les structures du monde vécu (le tissu social du travail, de la famille, de la communauté), son profond effet transformateur n’était plus intelligible »
Le déclin de la critique du capitalisme est également lié au fait que diverses figures historiques de la gauche européenne (François Mitterrand, Felipe Gonzalez, Tony Blair…), convaincues de l’absence d’alternative au marché, ont mis en œuvre des politiques d’austérité et de libre-échange, acceptant ainsi, de manière implicite, les prémisses des partisans du libéralisme économique. Ainsi, tandis que le capitalisme érodait lentement les structures du monde vécu (le tissu social du travail, de la famille, de la communauté), son profond effet transformateur n’était plus intelligible.
Tout projet de renouvellement de la social-démocratie passe aujourd’hui par la critique du capitalisme et la nécessité de l’endiguer. Cela exige d’abord de comprendre quel a été son effet direct sur la participation démocratique. Jusqu’au milieu du XXe siècle, la plupart des pays occidentaux n’étaient que des démocraties imparfaites ou partielles (les femmes ont été autorisées à voter longtemps après les hommes). Cependant, peu après que le droit de vote est devenu universel, la capacité du demos à influer sur les processus politiques a été considérablement amoindrie par le rôle croissant du capital. Les oligarchies (ou leurs représentants, sous les traits d’« experts bureaucratiques » empreints de l’idéologie du libre marché) ont commencé à orienter les processus décisionnels.
Malaise social
Les exemples actuels de cette influence sont innombrables : réductions d’impôts qui profitent aux super-riches ; politique d’austérité imposée par l’Union européenne à la Grèce ; déréglementation du droit du travail dans différents pays ; concurrence entre Etats sur les avantages fiscaux ; relative impunité des courtiers en Bourse, qui a conduit à la crise financière de 2008… En outre, le capital exerce aussi une forte influence politique par le biais de fondations « philanthropiques », de groupes de pression, de think tanks et de réseaux informels où se mêlent élites commerciales et politiques, sans oublier le rôle joué par les économistes, dont une majorité s’est mise au service d’une vision néolibérale du marché. Ces rouages affectent non seulement la représentation démocratique mais aussi la foi en la démocratie.
« Le travail traditionnel a été détruit par la technologie, les réductions d’effectifs, la continuelle obsolescence des compétences et la délocalisation de la production »
Dans le même temps, le travail traditionnel a été détruit par la technologie, les réductions d’effectifs, la continuelle obsolescence des compétences et la délocalisation de la production. L’économie des « petits boulots », la précarisation des formes d’emploi, la stagnation des salaires, la difficile mobilité sociale et la perspective du remplacement des humains par la technologie érodent aussi bien la qualité du travail que la capacité à travailler. Alors que les grands centres urbains d’Europe et des Etats-Unis ont connu une renaissance économique et culturelle au cours des deux dernières décennies, les banlieues, les campagnes et les petites villes se sont considérablement dégradées, parce qu’elles ne produisent pas de richesses et n’offrent pas de perspectives de travail intéressantes. Le trumpisme, le Brexit et les « gilets jaunes » sont des expressions de la décroissance économique de ces zones périphériques.
Se propageant à d’autres sphères de la vie quotidienne, cette dégradation affecte les perspectives matrimoniales, la stabilité familiale, la mobilité sociale et, surtout, le sentiment de confiance en l’avenir. Elle est un élément fondamental du malaise social, dont seule l’extrême droite a su tirer profit. La réhabilitation des zones non urbaines, la réparation de leurs infrastructures et la revitalisation de leur vie associative et démocratique constituent donc un objectif primordial.
Emergence des « classes créatives »
Les villes sont les sites privilégiés de l’épanouissement de ce que le >>> géographe Richard Florida appelle les « classes créatives », composées de diplômés travaillant dans les secteurs du cinéma, de la télévision, de l’art, du design, de la publicité, du journalisme et de la recherche, ou occupant divers autres postes dans les domaines culturels et intellectuels. Ces catégories sont les plus susceptibles de s’identifier à la politique de la gauche « sociétale ». Mais ce n’est pas le cas des classes populaires et des classes moyennes inférieures, avec lesquelles se crée ainsi un gouffre culturel et idéologique.
« Les “classes créatives” ont développé des systèmes de valeurs très différents de ceux des classes populaires et de certains segments des classes moyennes »
Le socialisme traditionnel incluait des intellectuels qui constituaient l’avant-garde des classes populaires et assuraient parfois un lien avec les classes moyennes et supérieures. Depuis les années 1980, ces alliances ont été rompues. L’ethos principal des « classes créatives » est l’individualisme expressif, qui se traduit notamment par la construction de nouvelles formes familiales, par la remise en cause des rôles de genre ainsi que de l’identité occidentale impérialiste, chrétienne et blanche.
Elles ont donc noué de nouvelles alliances avec des minorités sexuelles, ethniques, raciales et religieuses, développant ainsi des systèmes de valeurs très différents de ceux des classes populaires et de certains segments des classes moyennes, pour lesquels l’identité chrétienne et blanche et la famille traditionnelle demeurent et redeviennent des valeurs fondamentales (cela est vrai en particulier aux Etats-Unis, au Brésil et en Italie, et, dans une moindre mesure, en France).
Les luttes féministes et la défense des minorités ont été – et demeurent – essentielles à la démocratisation de nos sociétés. Mais force est de constater que, dans de nombreux pays, les classes populaires ne se sont pas ralliées à ces combats, qui restent l’apanage des diplômés et citadins, imprégnés de relativisme culturel et de cosmopolitisme. Ces différences sont bien plus que de simples divergences politiques : elles engagent désormais de véritables perspectives morales, impliquant totalement les individus dans leurs visions du bien et du mal.
Un fossé trop profond
Le résultat est clair : les anciennes alliances de classe – entre classes populaires, classes moyennes et intellectuels – ne sont plus possibles, car le fossé qui les sépare autour de questions clés telles que la sexualité, la famille, la religion, l’immigration et le nationalisme est devenu trop profond. Cette disjonction a été mise à profit dans différents pays par des figures telles que Steve Bannon, Marine Le Pen ou Matteo Salvini, qui prétendent représenter les revendications morales et identitaires du peuple et forger des alliances entre ouvriers, traditionalistes religieux et partisans d’un marché nationaliste.
« L’impression des classes populaires que “personne ne se soucie d’elles” nourrit un ressentiment envers les groupes dont la gauche semble faire grand cas, tels que les féministes, les migrants, les minorités »
Autrement dit, les classes populaires ont été dévaluées matériellement par la précarisation du travail, la stagnation des salaires et la dégradation de leurs quartiers, mais aussi symboliquement parce qu’elles ne se sont pas ralliées à l’identité morale portée par la gauche. Elles ne pouvaient prendre part à la politique de la reconnaissance des minorités, puisqu’elles-mêmes étaient de moins en moins reconnues.
Leur impression que « personne ne se soucie d’elles » nourrit un ressentiment envers les groupes dont la gauche semble faire grand cas, tels que les féministes, les migrants, les minorités ethniques, religieuses et sexuelles. Rendons-nous à l’évidence : les toilettes transgenres ou le langage « inclusif » ne sont pas perçus comme des sujets susceptibles d’améliorer les conditions de vie d’un grand nombre de citoyens, quelle que soit l’importance symbolique indéniable de ces causes.
Style de vie cosmopolite
Les manifestations xénophobes et même racistes ne sont pas non plus entièrement étrangères aux mouvements de plaques tectoniques causés par la globalisation économique. Les flux migratoires sont à la fois une façon de rétablir de la justice entre pays riches et pauvres et une partie intégrante de la mondialisation des processus capitalistes de production. L’immigration a historiquement profité à deux catégories : ceux qui, dans les années 1960 et 1970, avaient intérêt à avoir une main-d’œuvre à bon marché ; et les immigrants eux-mêmes, qui pouvaient aider leur famille et voir leurs enfants recevoir une éducation « européenne ».
Or la délocalisation du capitalisme a une conséquence importante : avoir moins besoin de main-d’œuvre au sein des pays riches, puisque ce sont les usines qui se déplacent vers les pays pauvres. C’est pourquoi les migrants sont perçus désormais comme une menace économique (pour les classes populaires) et identitaire (pour ces mêmes classes, mais aussi pour des segments des classes moyennes et supérieures). Le repli et le raidissement à leur sujet ne sont pas près de disparaître et l’immigration va rester un sujet profondément conflictuel.
>>> Elections européennes 2019 : l’immigration en embuscade
Le refus de discuter des frontières et le dédain des réactions nationalistes et identitaires vont à l’encontre de l’internationalisme, un des traits fondamentaux de la gauche depuis au moins un siècle. Mais l’internationalisme d’antan se confond désormais avec le style de vie cosmopolite des classes créatives, qui ont en commun avec les élites commerciales leur maîtrise de l’anglais, leur habitude de l’avion, leur goût pour l’exotisme, leurs pratiques touristiques et leur familiarité avec différentes cultures.
Le rejet de l’immigration est au cœur du populisme mondial, et seul un discours qui ne pathologise pas les réactions identitaires pourra être entendu. Sahra Wagenknecht, la femme politique de gauche allemande fondatrice du mouvement Aufstehen, a fait exactement ce choix : critiquer le capitalisme et le manque de moyens disponibles pour assumer la politique des réfugiés d’Angela Merkel, qui crée en retour des tensions sociales récupérées par l’extrême droite.
>>> « Aufstehen prend modèle sur La France insoumise »
Comme au XIXe siècle, le capitalisme devrait rester le centre d’attention de la gauche. S’il était alors évident de voir, dans le traitement inhumain des ouvriers de Manchester décrit par Engels, l’expression même du capitalisme, il est aujourd’hui bien plus difficile de le relier directement au malaise, à l’insécurité et aux tensions que subissent ses victimes actuelles. L’intelligibilité des chaînes de causalité a été brisée.
C’est pourquoi les néolibéraux, les conservateurs et les partisans de l’extrême droite peuvent avoir le beurre et l’argent du beurre. En effet, les premiers promeuvent des politiques économiques impitoyables, qui réduisent les emplois et démunissent les classes populaires, tandis que l’extrême droite tire profit du profond malaise social qu’entraînent ces mêmes politiques économiques.
« Si la gauche doit adopter une stratégie populiste, cela ne peut être à mon sens qu’une stratégie à court terme »
Je ne sais pas si la solution préconisée par Sahra Wagenknecht ou par Chantal Mouffe, la philosophe politique inspiratrice de Podemos et de La France insoumise, est la bonne : à savoir l’idée que le populisme de gauche est le bon antidote au populisme de droite. Si la gauche doit adopter une stratégie populiste, cela ne peut être à mon sens qu’une stratégie à court terme.
Mais, populiste ou pas, trois réponses s’imposent : désigner les véritables ennemis du peuple, à savoir la classe des experts, les organisations et les lobbys d’affaires qui ont atrophié les formes de représentation démocratique et rendent l’Etat otage de leurs visions économiques ; s’adresser aux citoyens ordinaires en pleine connaissance de leurs expériences quotidiennes et de leurs luttes concrètes ; et, enfin, privilégier la compréhension du ressentiment populaire à la splendeur du dégoût moral.
>>> « La gauche a mieux réussi en proposant des alternatives claires qu’en invoquant le peuple »
Eva Illouz est directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Ses recherches portent notamment sur la sociologie des émotions et de la culture. Elle est auteure de plusieurs essais, parmi lesquels Les Sentiments du capitalisme (Seuil, 2006), Pourquoi l’amour fait mal (Seuil, 2012), Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, coécrit avec Edgar Cabanas (Premier parallèle, 2018), et Les Marchandises émotionnelles (Premier parallèle, 424 pages, 24 euros).
>>> Eva Illouz (sociologue)
Un mauvais vent bugétaire allemand ? par Bruno Colmant | L'Écho 25 septembre 2017 (!)
Cette doctrine, développée dans les années trente, consiste à aligner l’économie sur une amélioration permanente des exigences de productivité malgré une devise forte.
La CDU/CSU d’Angela Merkel devra probablement constituer un gouvernement avec le parti libéral FDP qui a exprimé son opposition formelle à l’union bancaire, à la désignation d’un Ministre des Finances européens. Ce même parti a exprimé son souhait d’éjecter la Grèce de la zone euro et exige que la BCE soit dirigée par un allemand selon des principes d’orthodoxie monétaire germanique.
>>> L’ordolibéralisme allemand a toujours écarté le keynésianisme, d’autant que ce pays fait face à un gigantesque déficit démographique déflationniste et structurel.
Ce nouvel alignement politique entraînera des difficultés pour la France qui espérait que ses réformes suscitent une certaine complaisance de l’Allemagne dans la gestion de ses finances publiques.
Il est donc possible que le raidissement allemand, combiné à une restriction des libertés budgétaires, contribue à maintenir une empreinte déflationniste, d’autant que la BCE va bientôt atténuer son soutien monétaire. Cela pourrait alimenter une tension des taux d’intérêt des pays faibles de la zone.
Otan, le grand réveil | RTS 10 juin 2022
- La Finlande et la Suède veulent rejoindre une Alliance atlantique renforcée
- Matthias Schulz: "L’agression russe contre l'Ukraine a ravivé l’Otan"
- Quelle neutralité pour la Suisse face à la guerre en Ukraine?
- Matthias Schulz: "L'Otan peut être l'arme dissuasive qui permettra le dialogue avec la Russie"
- Alors que le monde se réarme, certains Etats vivent sans armée
- L’Otan contestée lors de la crise des euromissiles, en pleine Guerre froide
Gaz-pétrole : le nerf de la guerre ? - Le dessous des cartes | ARTE 11 juin 2022
vendredi 10 juin 2022
Ces Financiers qui Dirigent le Monde - BlackRock | Arte 6 oct. 2020
« Saigner la Russie » par Serge Halimi. Éditorial de juin 2022 | Le Monde diplomatique 9 juin 2022
samedi 4 juin 2022
Les Russes témoignent de la réalité parallèle | FRANCE 24 3 juin 2022
lundi 30 mai 2022
Jean-Marc Jancovici, président de The Shift Project, invité d'On n'arrête pas l'éco | France Inter 26 mars 2022
dimanche 29 mai 2022
Ukraine : la fin du monde russe ? | ARTE 23 mai 2022
mercredi 25 mai 2022
POUTINE, LE TSAR SOVIÉTIQUE, pensé et produit par Philippe Collin | France Inter 23 mai 2022
Tous les épisodes
Philippe Collin vous propose d'analyser comment Vladimir Poutine entretient déjà très jeune la nostalgie d'une Russie puissante, fantasmée par laquelle il cimente toujours aujourd'hui la société russe...
>>> L'espion russe
Philippe Collin retrace la carrière d'espion de Vladimir Poutine au KGB. L'agent y cultive déjà un grand mépris des principes de Liberté. Un parcours qui conforte ses convictions autoritaristes et sa...
Dans la Russie convalescente des années 1990, Philippe Collin décortique la folle et discrète ascension de Vladimir Poutine, depuis la mairie de Saint-Pétersbourg à l'intérim de la présidence russe, e...
Une fois élu président de la fédération russe, Vladimir Poutine rompt avec l'héritage désastreux des années 1990 et de Boris Eltsine. Découvrez comment il met en place son règne autocratique, comment...
Dans cet ultime épisode, Philippe Collin raconte comment, depuis sa réélection en 2012, Vladimir Poutine rêve d'aller au bout de sa vieille ambition, celle qui l'anime depuis si longtemps : le combat...
Le 31 décembre 1999, dernier jour du XXe siècle, à Moscou, Boris Eltsine s'adresse pour la dernière fois au peuple russe en tant que président de la Russie. Le pays sort d'une décennie chaotique. Il désigne son successeur pour assurer l'intérim jusqu'à la prochaine élection. C'est dans les dernières heures du XXe siècle, que Vladimir Poutine prend possession de la grande Russie. Personne ne peut imaginer que 22 ans plus tard, il serait toujours là.
L'an 2000. Vladimir Poutine entrait dans l'histoire comme l'ultime dirigeant russe du XXe siècle. Plus qu'un symbole, un signe du destin, voire une élection divine pour celui qui aspire aujourd'hui à réunir toutes les Russies, de Pierre le Grand à Joseph Staline. Mais que connaissons-nous réellement de Vladimir Poutine ? Par quel idéal est-il habité et animé ?
Entreprendre le récit de sa vie, c'est faire de l'histoire immédiate, assumer le fait que nous ne pourrons pas tout vous raconter parce que certaines archives nous manquent tant elles restent inaccessibles. Nous disposons seulement de son livre d'interviews paru à la fin des années 1990 "Première personne" qui laisse paraître un Vladimir Poutine qui n'est pas du tout celui qu'on voit aujourd'hui. C'est un Vladimir Poutine affable, démocrate, le libéral qui se dépeint d'une franchise assez étonnante. Ceci dit, il y a parfois urgence à récolter les éléments dont on dispose pour se fabriquer des outils et défendre au mieux un présent en danger.
- Récit et production : Philippe Collin
- Réalisation : Violaine Ballet
- Assistance éditoriale : Irène Menahem et Aude Cordonnier
- Reportages : Martine Abat
- Documentation sonore : Frédéric Martin
mardi 24 mai 2022
Le Forum économique mondial de Davos à un tournant | FRANCE 24 23 mai 2022
« La Russie livre en Ukraine une guerre coloniale sous protection nucléaire » | Le Monde 23 mai 2022
Les Occidentaux doivent redéfinir des buts de guerre réalistes pour contrecarrer durablement l’agressivité de Moscou et trouver des modalités de coexistence acceptables, explique le directeur de l’Institut français des relations internationales, Thomas Gomart, dans un entretien au « Monde ».
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L’historien Thomas Gomart |
Directeur de l’Institut français des relations internationales, l’historien Thomas Gomart, dont le dernier ouvrage Guerres invisibles (Tallandier, « Texto Essais », 352 p., 10,50 euros) vient de sortir, analyse la nouvelle donne stratégique mondiale et dresse un premier bilan des ruptures entraînées par l’agression russe en Ukraine.
Qu’est-ce que ce conflit a déjà changé dans l’ordre du monde ?
Cette guerre est un ressac de la « guerre civile européenne » pour reprendre le titre d’un ouvrage d’Ernst Nolte (1923-2016). L’historien allemand établissait un « nœud causal » entre la révolution bolchevique et le surgissement des fascismes à l’Ouest. On a oublié que la question ukrainienne fut un des enjeux cruciaux de la première guerre mondiale, à l’Est. Et on a ignoré à quel point la victoire de l’URSS contre le nazisme était devenue la religion d’Etat de Vladimir Poutine. Depuis presque vingt ans, la Russie et l’Occident sont engagés dans une confrontation cognitive pour imposer leur modèle. En trois mois, est apparue une double fracture ouverte : entre l’Ukraine et la Russie d’une part ; entre la Russie et l’Occident d’autre part. Avec le retour de la guerre de haute intensité, le continent européen perd un de ses avantages comparatifs dans la mondialisation, celui de la stabilité stratégique. Par rapport aux enjeux globaux, cette guerre apparaît anachronique à ceux qui font rimer mondialisation et démilitarisation depuis 1991, c’est-à-dire fondamentalement les Européens. Elle ne l’est pas pour ceux qui voient le monde à travers les rapports de force militaires, c’est-à-dire les Russes, les Chinois et les Américains.
Est-ce un tournant sur le plan stratégique ?
Sans aucun doute. La Russie livre une guerre coloniale sous protection nucléaire. Le déclenchement de « l’opération militaire spéciale » s’est accompagné d’une rhétorique nucléaire explicite. Vladimir Poutine est passé à l’acte pour assujettir l’Ukraine et inhiber les Occidentaux. Le tournant stratégique, c’est moins l’agression russe, qui ne fait que prolonger celle de 2014, que la capacité ukrainienne à la mettre en échec. C’est aussi la mise en œuvre d’une posture de sanctuarisation agressive grâce au nucléaire, qui rompt avec la prudence en la matière observée par Moscou et Washington depuis la crise des missiles de Cuba en 1962. Ce sont enfin des mécanismes d’alliance, qui produisent des effets militaires et économiques de grande ampleur.
Sur le plan économique, cette guerre risque-t-elle de donner un nouveau coup à une globalisation déjà mise à mal par la pandémie ?
Toute guerre a un coût humain et économique. Celle-ci contribue au retour de l’inflation et affecte la sécurité alimentaire. Elle entraîne une nouvelle mutation de la mondialisation pensée comme l’enchevêtrement d’interdépendances économiques, de compétition de modèle sur fond de découplages. Le capitalisme politique, c’est-à-dire l’imbrication des objectifs de croissance économique et des impératifs de sécurité nationale, s’est traduit, depuis 2016, par le découplage technologique entre la Chine et les Etats-Unis. S’y ajoute désormais un découplage énergétique entre la Russie et l’Europe. Ce dernier renvoie aux conditions de la coopération hégémonique sur le pétrole mise en place par les Etats-Unis après 1945. Pour eux, il s’agissait fondamentalement de sécuriser les approvisionnements pétroliers de l’Europe et du Japon en provenance du Moyen-Orient pour préserver leurs propres réserves et inscrire la sécurité énergétique au cœur des alliances militaires.
Les diverses tentatives européennes pour diversifier leurs approvisionnements, par voie terrestre, en se tournant vers l’URSS, ont toujours suscité des tensions avec Washington, qui resurgissent au moment des crises stratégiques aiguës. Lors de la crise de Cuba, l’administration Kennedy demanda aux Européens de ne pas exporter de technologies permettant la construction de l’oléoduc Amitié. Vingt ans plus tard, lors de la crise des euromissiles, l’administration Reagan dénonça le premier gazoduc reliant la Sibérie aux marchés européens.
En dépit des fortes pressions, les capitales européennes développèrent une interdépendance énergétique euro-russe, ayant pour conséquence indirecte de réduire leurs efforts navals. Quarante ans plus tard, la guerre d’Ukraine la rompt, annonce l’augmentation des importations de gaz naturel liquéfié américain et renvoie les Européens à des problématiques classiques de sécurisation de leurs approvisionnements énergétiques au moment où ils pensaient que la transition énergétique diminuerait les risques géopolitiques. Au contraire, elle les accentue. S’il existe un alignement entre cette rupture et l’objectif de décarbonation à horizon 2050, il n’en demeure pas moins que les Européens sont contraints de reconfigurer leurs systèmes énergétiques en urgence.
La Russie n’est pas devenue un Etat paria. Ne sommes-nous pas dans une situation « the West against the Rest », l’Occident contre le reste du monde ?
D’abord, la Russie n’est pas la Serbie de Slobodan Milosevic, en raison de son rôle dans la géopolitique mondiale de l’énergie, de son arsenal nucléaire et de son statut diplomatique. Ensuite, si la majorité des pays ont condamné l’agression russe, ils n’ont pas forcément mis en œuvre des sanctions. C’est le cas par exemple des pays de l’Organisation de coopération de Shanghaï et, en particulier, de la Chine et de l’Inde. En Afrique, c’est le cas de pays comme l’Algérie, le Mali ou le Sénégal. Au Moyen-Orient, ce sont les pays du Golfe. Ces pays renvoient dos à dos les Russes et les Occidentaux en considérant que cette guerre n’est pas la leur. La Russie est déconnectée du versant occidental de la mondialisation, mais s’efforce de se reconnecter ailleurs.
A l’heure des guerres hybrides, ce conflit, par sa violence, rappelle plutôt les carnages du XXe siècle. Comment l’expliquer ?
Il faut distinguer la phase au cours de laquelle la Russie a conduit des opérations hybrides, qui lui permettaient d’exercer une pression directe sur l’Ukraine et des pressions indirectes sur l’Occident. Elle savait opérer sous le niveau de la guerre. En franchissant ce seuil, elle est pour ainsi dire entraînée par son propre poids militaire, celui d’une armée disparate, mal commandée, incapable d’emporter la décision rapidement, car elle avait tout misé sur la chute de Zelensky. Dès lors, la Russie bascule dans une guerre d’attrition et de destruction, qui donne lieu à de nombreuses exactions.
Quelles leçons tirer de la résistance de Kiev ?
L’Ukraine est désormais une nation en arme contre son envahisseur. La montée en puissance de ses forces armées entre 2014 et 2022 a été remarquable, mais n’explique pas l’essentiel : les Ukrainiens ont répondu à la mobilisation générale, rappelant la trinité de Clausewitz entre le peuple, l’autorité militaire et le gouvernement. Des images sont marquantes : des citoyens ukrainiens accompagnant leurs familles à la frontière avant de rejoindre leurs unités, les interventions régulières du président Zelensky en chemise kaki et, bien sûr, les charniers. Kiev maîtrise sa communication stratégique : on ignore toujours le nombre des victimes civiles et des pertes militaires ; on assiste à l’héroïsation de certaines figures, comme les combattants de l’usine Azovstal. Après avoir su résister, les Ukrainiens sont désormais convaincus de pouvoir l’emporter. Comme l’a souligné Emmanuel Macron, à Strasbourg, il n’appartient qu’à eux de « définir les conditions des négociations avec la Russie ».
Cela montre-t-il l’importance des émotions dans la guerre ?
Cette dimension est essentielle. Beaucoup ont été surpris par la décision de Vladimir Poutine, dans la mesure où elle allait à l’encontre de ses intérêts. Cette surprise s’explique par une conception de la politique internationale principalement résumée à une affaire de calculs et d’intérêts croisés. Or, dans une phase prolongée de tensions, les passions – comme la haine, le mépris, l’espoir ou la foi – importent davantage que les intérêts. Il est très difficile d’anticiper la traduction opérationnelle des passions, mais c’est une erreur de ne pas chercher à les identifier précisément pour l’ensemble des protagonistes, au premier rang desquels figure Vladimir Poutine. Cette guerre est l’aboutissement très prévisible de sa dégénérescence idéologique.
>>> Entre la Russie et l’Ukraine, la fracture est autant politique que générationnelle
Un des enseignements de ces trois mois de conflit n’est-il pas aussi que, sans les Américains, rien n’est réellement possible militairement ?
Certains experts russes reconnaissent s’être trompés sur un point essentiel : avoir cru que les Etats-Unis allaient se désintéresser de l’Europe pour se concentrer exclusivement sur la Chine. Ils se sont convaincus d’un inexorable reflux occidental, après la déroute américaine en Afghanistan. En diffusant publiquement leurs renseignements, les Etats-Unis n’ont pas empêché l’agression, mais ont montré à leurs alliés leur degré de pénétration du système russe. Il s’agit désormais pour eux d’exploiter au maximum la faute stratégique de Vladimir Poutine par une stratégie indirecte, qui consiste à éviter une extension du conflit au-delà du territoire ukrainien et de la mer Noire. Ils apportent un soutien politique et une aide militaire massive à l’Ukraine. Ce faisant, ils resserrent les liens transatlantiques, tout en montrant les limites militaires de leurs alliés. En outre, les sanctions prises ont pour clé de voûte le dollar ; elles ont beaucoup plus de conséquences pour les économies européennes que pour la leur. Six mois après [leur départ de] l’Afghanistan, les Américains soulignent leur centralité stratégique, et envoient ainsi un message à la Chine.
Que doivent faire les vingt-sept pays de l’Union européenne ?
Ils doivent se réarmer militairement, agir diplomatiquement et se redresser économiquement au risque sinon d’être marginalisés à l’échelle globale et d’être incapables de stabiliser le continent. Le combat des Ukrainiens et le soutien américain leur offrent un répit précieux. A condition de savoir l’utiliser pour se préparer aux chocs futurs. Avec l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN, celle-ci et l’Union européenne coïncident davantage encore, mais cela devrait conduire les Européens à se poser franchement les questions suivantes : quelle aurait été leur attitude collective si la Maison Blanche avait décidé de ne pas intervenir, comme cela aurait pu ou pourrait être le cas avec Donald Trump ? Regarder les Ukrainiens se faire dépecer ?
Ce renforcement du lien transatlantique sur fond de guerre en Ukraine ne change-t-il pas la donne sur le continent européen ?
C’est certain. En 2001, Vladimir Poutine déclarait : « La Russie est un nœud intégrationniste spécifique, liant l’Asie, l’Europe et l’Amérique. » Vingt ans plus tard, elle désintègre l’architecture de sécurité européenne en envahissant l’Ukraine. La résurgence de la question russe oblige les Occidentaux à redéfinir des buts de guerre réalistes pour contrecarrer durablement l’agressivité de la Russie et trouver des modalités de coexistence acceptable avec elle. Ce débat est très sensible, en particulier pour les pays qui ont subi le joug de Moscou et entrevoient une occasion unique de mettre la Russie au tribunal de sa propre histoire.
Faut-il, selon le mot d’Emmanuel Macron, éviter « d’humilier » la Russie ?
L’humiliation est une « émotion fondamentale », mais c’est la Russie qui s’humilie toute seule en Ukraine. C’est l’humiliation du violeur devant sa victime après le passage à l’acte. Cependant, il faut réinjecter de l’intérêt et du calcul dans la phase actuelle pour éviter précisément que les émotions ne submergent le jugement des différents protagonistes. Il n’y a aucune contrition stratégique à attendre de la part de Vladimir Poutine. Cette guerre est avant tout la sienne. La question est de savoir s’il est en mesure de mobiliser le peuple russe comme Volodymyr Zelensky a su mobiliser le peuple ukrainien.
jeudi 19 mai 2022
Poutine : "Nous suivons nos plans... calmement" | France Télévisions #cdanslair 13.04.2022
mercredi 18 mai 2022
Poutine : Le discours de mise en garde , Macron pousse la France à la faute 🇫🇷 (février 2022) | RT France - MOSCOU, RUSSIE
samedi 14 mai 2022
∆∆∆ ∆∆∆ ∆∆∆ « La guerre terrestre et la tragédie vécue par le peuple ukrainien ne doivent pas occulter ce qui se passe sur la côte et en mer » par Alain Oudot de Dainville | Le Monde 02/05/2022
Alain Oudot de Dainville, amiral, membre de l’Académie de marine, souligne, dans une tribune au « Monde », l’importance des enjeux maritimes de la guerre en Ukraine et de leurs conséquences tant militaires que commerciales en mer Noire et en mer d’Azov, « un espace stratégique depuis l’Antiquité ».
Les Russes continuent en Ukraine « la politique par d’autres moyens », selon la formule du théoricien militaire prussien Carl von Clausewitz (1780-1831), alors que les Ukrainiens exploitent les « gaffes » du « perturbateur », comme le conseillait le stratège français Raoul Castex (1878-1968). Le « perturbateur » semble maintenant vouloir établir une zone tampon comprenant la bande côtière sur la mer Noire.
La guerre terrestre et la tragédie vécue par le peuple ukrainien ne doivent pas occulter l’importance de ce qui se passe sur la côte et en mer, notamment en mer Noire et en mer d’Azov, espace stratégique depuis l’Antiquité, seul accès maritime de l’Ukraine. Les actions militaires ne sont qu’une partie d’une stratégie globale, dont les forces armées russes principalement aéroterrestres, sortiront affaiblies.
Blocus maritime
La mer Noire est une mer enclavée. Au sud, son seul accès à la Méditerranée est contrôlé par le Bosphore, détroit turc régi par la convention internationale de Montreux de 1936. Le 12 février, la marine russe anticipe sa fermeture aux belligérants et organise un exercice aéronaval avec la flotte de la mer Noire renforcée d’unités venant de la Baltique. Comme le lui permet la convention, quatre jours après le début des hostilités, le 28 février, la Turquie ferme le détroit aux navires militaires. Sa marine devient la seule de l’OTAN à pouvoir naviguer en mer Noire. La Russie ne peut plus faire venir de nouvelles unités, qui manquent à ses opérations. Au nord, la mer Noire communique avec la mer d’Azov, par le détroit de Kertch aujourd’hui sous contrôle russe.
La marine ukrainienne, après le bombardement de ses unités basées à Odessa et le sabordage par mesure préventive, le 3 mars, de son navire amiral, la frégate Hetman-Sahaydachniy, ne peut opposer que des mines et des missiles de défense côtière aux offensives navales adverses. La flotte russe maîtrise les mers Noire et d’Azov. Elle utilise sa liberté d’action pour établir un blocus maritime de l’Ukraine et frapper des objectifs terrestres avec des missiles de croisière et hypersoniques, les « Guam killer » des Chinois, dont l’efficacité n’est pas prouvée.
Revers russes
Mais la maîtrise est beaucoup plus limitée dans la bande côtière. La flotte russe prend des risques pour bombarder les villes, tenter des débarquements. Elle a perdu un ou deux bâtiments de débarquement de plus de cinquante ans d’âge, mais son revers le plus spectaculaire vient de la perte, le 14 avril, du vieux croiseur Moskva. Les bâtiments de guerre de l’ex-URSS ont été conçus pour emporter plus de missiles en superstructures que leurs homologues des marines de l’OTAN, ce qui les rend plus vulnérables. En vieillissant – quand leur électronique n’est pas mise à niveau ou mal entretenue par manque ou mauvaise utilisation de budget –, leur valeur militaire décroît. Naviguer ainsi à proximité de côtes adverses, sans un soutien aéronaval, s’avère risqué.
La conquête des espaces maritimes a débuté autour de la Crimée dès 2014. En 2022, même s’il est totalement illégal au regard du droit international, le contrôle de l’ensemble des côtes et des eaux ukrainiennes donne un quasi-partage de la mer Noire entre la Fédération de Russie et la Turquie.
Un riche gisement de gaz se situe sous la mer, au sud de la Moldavie, à proximité de la petite île des Serpents qui, sur décision de la Cour internationale de justice, en 2009, est revenue à l’Ukraine. La conquête de cette île par les Russes, une des dernières opérations du croiseur Moskva, leur donne accès aux ressources sous-marines juridiquement partagées entre l’Ukraine et la Roumanie, crée une nouvelle zone de tension et renforce la position dominante russe sur le gaz.
Le voisinage entre la Russie et la Turquie, ainsi que la perspective d’un partage des ressources en gaz peuvent expliquer le zèle médiateur de la Turquie pour tenter de rééditer en mer Noire son offensive sur le sous-sol de la Méditerranée orientale. Après la découverte d’un gisement dans ses eaux territoriales de mer Noire, elle pourrait devenir un acteur avec qui compter.
>>> Guerre en Ukraine : la remilitarisation de la Méditerranée orientale, antichambre de la mer Noire
La navigation commerciale éprouve les pires difficultés. Elle doit échapper au blocus par les Russes, et aux mines dérivantes. Des routes maritimes relient le Bosphore à Odessa et à Novorossiïsk, ainsi qu’à la mer d’Azov, par le détroit de Kertch.
« Ce qui se passe sous les eaux est aussi un sujet d’inquiétude, par la vulnérabilité des câbles sous-marins par lesquels transite le principal système d’échanges de la finance mondiale »
Les bâtiments de commerce paient un lourd tribut à la guerre, victimes de tirs de missiles ou de bombardements, quelle que soit la couleur du pavillon. Le 1er avril, quarante gros vraquiers, chargés de céréales ou d’huile de tournesol (70 % des exportations mondiales de céréales et 80 % des exportations de tournesol proviennent d’Ukraine et de Russie), sont arrêtés dans les ports ukrainiens par le blocus russe. La route du blé est ainsi coupée, le cours des céréales grimpe avec des conséquences dramatiques pour les pays les plus pauvres. La « route de la soie » ferroviaire a été interrompue, entraînant une augmentation de trafic de 5 % à 8 % sur les routes maritimes. L’Organisation maritime internationale cherche à établir un couloir bleu humanitaire, pour évacuer les quelques centaines de marins ainsi que les navires immobilisés.
Ce qui se passe sous les eaux est aussi un sujet d’inquiétude, de par la vulnérabilité des câbles sous-marins par lesquels transitent à la fois le principal système d’échanges de la finance mondiale et des informations hautement sensibles. Les Russes avaient montré la voie, en 2014, en prenant le contrôle des infrastructures Internet en Crimée juste avant son annexion, et en coupant les câbles de connexion. Si en mer Noire un seul câble sous-marin dessert la Russie, l’Ukraine (par Odessa) et la Bulgarie, il convient de surveiller avec une acuité particulière la situation des câbles dans les approches des pays occidentaux, et notamment les mouvements du Yantar, navire océanographique russe collecteur de renseignements.
Enfin, dans les négociations qui mettront fin aux souffrances du peuple ukrainien, le sort du port d’Odessa sera un enjeu vital, car il assure l’essentiel des activités d’import-export de l’Ukraine par la mer Noire.
Alain Oudot de Dainville est amiral, membre de l’Académie de marine.